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Mise en ligne : 22 octobre 2005

Une fondation mystico-religieuse inquiète les services de renseignement.
Le Monde | 21.10.05

La direction centrale des renseignements généraux (DCRG) et la direction de la surveillance du territoire (DST) s’intéressent à ce qu’ils appellent " l’organisation Elâhi " . En réalité, un agglomérat d’associations et de sociétés civiles immobilières sises à Asnières (Hauts-de-Seine), mais aussi une fondation reconnue d’utilité publique, Ostad Elâhi, ou encore un mausolée édifié à Baillou (Loir- et-Cher), à la gloire de "sainte Janie", fille du " Maître Ostad Elâhi" . D’origine iranienne, la famille Elâhi, installée pour une part en France, jouit d’une large aura religieuse et mystique.

Dans une note datée du 7 septembre, la DCRG stigmatise ainsi " l’organisation Ostad Elâhi -qui- a su séduire pour obtenir, au bout decinq années, la reconnaissance d’utilité publique " . Les enquêteurs font également part de leur "inquiétude croissante" . Ils mettent en relief "la soumission absolue des disciples à un maître se considérant comme une sorte de messie et à son oeuvre, La Voie de la perfection , ayant pour les dévots valeur de "commandement", notamment dans le cadre de la prise en charge de l’éducation des enfants" . Ils dénoncent enfin "les tentatives d’infiltration des instances municipales de Baillou et d’Asnières, s’accompagnant de pressions et d’intimidations sur les élus" .

Il est vrai que la bataille fait rage depuis longtemps à Asnières, dont le député et maire UMP Manuel Aeschlimann n’a de cesse de dénoncer, sur fond de bisbilles locales, les agissements des membres de "l’organisation Elâhi". Bahrâm Elâhi, 74 ans, professeur en chirurgie infantile, naturalisé français en 1994, est arrivé à Asnières en 1992. Progressivement, ses proches ont commencé à acheter des pavillons dans le même secteur. "L’installation de tous ces gens à Asnières a suscité mon interrogation, explique M. Aeschlimann. Tout l’entourage de Bahrâm Elâhi a acheté des pavillons dans le même quartier. Ce regroupement m’a interpellé, encore plus après avoir lu son livre, La Voie de la perfection." Publié par les éditions Albin Michel, l’ouvrage est censé délivrer l’enseignement de son père, Ostad Elâhi, un magistrat "philosophe et musicien" , issu d’une famille de notables kurdes iraniens réputée pour son mysticisme soufiste.

On y découvre, dans sa première version, des préceptes étonnants. Tout d’abord, "Maître Elâhi appartient à un ordre très particulier, celui des "fervents de Dieu"" . On y apprend ainsi que "la Terre n’est pas seulement peuplée d’hommes, mais également de créatures invisibles à nos yeux, qu’on appelle génies (…) . Ils peuvent déplacer très rapidement des objets très lourds, ou encore nous paralyser."

On peut également y lire, entre autres digressions ésotériques, que "tout homme parvenu à la perfection peut parler avec les animaux et même communiquer avec les plantes et les objets".

Autant d’extraits du livre qui ont interpellé les enquêteurs des RG. Et pourtant, l’auteur de ces "pensées" bénéficie, en France, d’une fondation reconnue d’utilité publique le 27 janvier 2000. La fondation Ostad Elâhi, présidée par son fils Bahrâm Elâhi, compte parmi les membres de son conseil d’administration un conseiller d’Etat, Jean-Michel Belorgey, ou encore une réalisatrice de télévision, Marion Sarraut.

Elle s’enorgueillit d’avoir organisé plusieurs colloques, sur le thème de "l’éthique" ou de "la solidarité humaine" . Le 10 septembre, une "journée de la société humaine" était organisée par la fondation, à l’Unesco, sous le patronage du ministère de la culture et du ministère de la cohésion sociale. "Le sujet semblait sérieux et le logo de l’Unesco figurait sur la carte que nous avons reçue , indique-t-on au ministère de la culture. La présentation du colloque était biaisée, il n’était pas fait état de la fondation Elâhi. A l’avenir, nous effectuerons toutes les vérifications nécessaires."

M. Aeschlimann, usant de son entregent ­ il est le conseiller pour l’opinion publique de Nicolas Sarkozy ­, a mis en garde ses collègues. Il a ainsi écrit à la présidente du Haut Comité à l’intégration, Blandine Kriegel, qui, lorsqu’elle était chargée de mission à l’Elysée, avait participé à deux colloques organisés par la fondation à la Sorbonne. "Le texte d’Ostad Elâhi que vous avez eu la précaution de m’adresser est au-delà de ce que permet le mysticisme" , lui a répondu, le 10 décembre 2003, Mme Kriegel, en affirmant qu’elle déclinerait désormais les invitations de la fondation Elâhi.

L’organisation compte également un mausolée, construit en Loir-et-Cher, à Baillou, commune dont la châtelaine n’est autre que la princesse italienne Maria Camilla Pallavicini, vice-présidente de la fondation Elâhi. Cet édifice "religieux", que certains à Baillou comparent à un Mandarom miniature, célèbre la mémoire de "sainte Janie", la soeur de Bahrâm Elâhi.

Une association gère le site, dont le vice-président se nomme Bruno de Beauregard. Domicilié lui aussi à Asnières, M. de Beauregard, qui n’a pas souhaité répondre au Monde , est le fondateur de la société Mayetic, une entreprise de services informatiques, leader sur son marché. L’avocat de cette société est François Ameli, également conseiller de la famille Elâhi.

Dans un rapport récent, la DST, au titre de ses activités de contre-espionnage, s’est émue de la situation. "Une certaine vigilance est maintenue concernant notamment la présence de certains adeptes au sein de structures sensibles, relate la DST. Au regard de l’approche philosophico-religieuse de M. de Beauregard, on peut s’interroger sur l’opportunité pour des organisations gouvernementales de faire appel à la société Mayetic pour ses solutions informatiques." La direction générale des impôts, la gendarmerie nationale et même l’OTAN figurent parmi les clients de Mayetic.

Gérard Davet - Le Monde

Article paru dans l’édition du 22.10.05

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