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Mise en ligne : 19 janvier 2009

Grenelle
Proposition de loi tendant à réduire l’empreinte écologique de la France
Environnement

N° 1369

ASSEMBLÉE NATIONALE

TREIZIÈME LÉGISLATURE

- Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 janvier 2009.

PROPOSITION DE LOI

tendant à réduire l’empreinte écologique de la France,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Madame et Messieurs

Yves COCHET, Martine BILLARD, Noël MAMÈRE et François de RUGY,

- EXPOSÉ DES MOTIFS :

Mesdames, Messieurs,

Au cours du mois d’octobre dernier, l’Assemblée nationale a examiné puis adopté en première lecture la loi de programme relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Ce premier panneau du diptyque, le second devant être examiné au printemps prochain, concerne les objectifs et la méthode.

Il est cependant curieux de noter qu’il ne se donne pas les moyens de définir clairement son objectif et n’identifie pas normativement les outils d’évaluation des effets des mesures qu’il propose.

Pour ce qui concerne les objectifs, le texte de la loi semble distinguer deux catégories : l’objectif global que constitue le « développement durable » et les objectifs ponctuels, ressortissant aux diverses politiques relatives à la diminution des émissions de gaz à effet de serre par exemple ; à leur tour, ces derniers objectifs se déclinent en mesures applicables à des secteurs tels l’énergie, la qualité de l’eau etc.

Les objectifs ponctuels, qui constituent en somme les moyens de la politique conduite pour préserver la planète et la vie, n’appellent pas ici de commentaires particuliers.
En revanche, il y a lieu d’interroger la notion de développement durable : s’agit-il d’un concept bien défini, d’une démarche propre à éviter la « catastrophe écologique » ou d’un but à atteindre en soi ?
En bref le « développement durable » constitue-t-il un outil conceptuel et opérationnel pertinent ?
Ou l’un des deux seulement, ou aucun des deux ?
Afin de répondre à cette interrogation, il n’est pas inutile de revenir aux définitions officielles.

Selon la définition proposée en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement dans le rapport de Mme Gro Harlem Brundtland, le développement durable est : «  Un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de “besoins”, et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir.  »
On voit, à se stade, se profiler la définition de la notion que la France a retenue dans le cadre de la loi constitutionnelle relative à la Charte de l’environnement : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social. » C’est d’ailleurs à cette définition que le rapporteur, M. Christian Jacob, a fait appel au cours des débats sur la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

Il n’est pas non plus inutile de relever, dans le corps du texte adopté par l’Assemblée nationale, quelques une des 34 occurrences de cette expression. Bien entendu, la première figure à l’article premier qui dispose notamment : «  Le Gouvernement rend compte chaque année au Parlement de la mise en œuvre de la stratégie nationale de développement durable, et propose les mesures propres à améliorer son efficacité ».
De son côté, l’article 9 indique que « la politique des transports contribue au développement durable » et évoque des « critères de développement durable ».
L’article 28 mentionne les « nouveaux enjeux du développement durable », enfin, il faut citer tout un paragraphe de l’article 42, premier du titre «  État exemplaire  » : « L’État se fixe pour objectif de disposer en 2010 des indicateurs du développement durable à l’échelle nationale tels qu’ils figureront dans la stratégie nationale de développement durable et organisera à cet effet avant la fin de l’année 2009 une conférence nationale réunissant les cinq parties prenantes au Grenelle de l’environnement. »

Cet inventaire appelle au moins deux constatations : les tentatives de définition et les différents usages de l’expression « développement durable » sont pleines de louables intentions mais ne laissent pas de revêtir un aspect incantatoire ; ces définitions et usages ne peuvent qu’être circulaires pour ne pas dire tautologiques tant il est vrai que la fin se mêle aux moyens et le sujet à son objet. En bref, le « concept » de « développement durable » ne permet ni de définir ni d’évaluer sérieusement « les politiques mises en œuvre pour lutter contre le changement climatique et s’y adapter, préserver la biodiversité ainsi que les services qui y sont associés, contribuer à un environnement respectueux de la santé, préserver et mettre en valeur les paysages » (termes de l’article premier du texte de l’Assemblée nationale).

Ainsi, le texte adopté ne comporte aucune proposition de méthode pour mesurer l’impact des décisions prises. Pourtant, le Président de la République, dans son discours du 25 octobre 2007 avait affirmé ce principe fondateur du Grenelle : « tous les grands projets publics, toutes les décisions publiques seront arbitrées en intégrant leur coût pour le climat, leur « coût en carbone ».
Toutes les décisions publiques seront arbitrées en intégrant leur coût pour la biodiversité.
Très clairement, un projet dont le coût environnemental est trop lourd sera refusé » Mais comment évaluer le « coût environnemental d’un projet » ?

Le sérieux des enjeux ne laissant aucune place au doute, il est temps de procurer au politique comme au citoyen, que ceux-ci soient tour à tour décideurs, consommateurs ou producteurs, un outil fiable pour définir le but recherché, les moyens employés et évaluer les résultats obtenus, à notre sens cet outil existe : c’est l’empreinte écologique.

Le concept d’« empreinte écologique » a vu le jour lors de la conférence de Rio en 1992 dans l’article Ecological footprints and appropriated carrying capacity : what urban economics leaves out (empreinte écologique et capacités raisonnées de la planète : ce que la science économique urbanologique laisse de côté) du professeur William E. Rees, économiste environnemental à l’université British Columbia de Vancouver qui en donne la définition suivante : «  surface correspondante de la terre productive et des écosystèmes aquatiques nécessaires à produire les ressources utilisées et à assimiler les déchets produits par une population définie à un niveau de la vie matériel spécifié, là où cette terre se trouve sur la planète  ».

Le travail de doctorat qui développe cette thèse a été publié en 1995. Des logiciels ont été mis au point avec plusieurs modes de calcul basés sur la somme mathématique des surfaces bioproductives, déclinées par superficies nécessaires pour produire les aliments animaux et végétaux, le bois, etc.

Il s’agit d’un outil applicable à toutes les échelles (du local au mondial). Il peut être géographique ou sectoriel : il permet des études multi niveaux dans tous les ordres de grandeur. Par son caractère composite, il agrège des données complexes qui permettent de rendre compte de l’impact des activités humaines dans des champs différents : empreinte carbone, empreinte en eau de consommation, empreinte sur les forêts.

Le concept a excédé son champ théorique faisant alors l’objet d’une utilisation par différents acteurs : le WWF, des collectivités comme le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, les villes de Guingamp et Besançon, ou encore la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) qui en recommande la pratique.

L’empreinte écologique a dépassé pour la première fois la biocapacité totale de la Terre dans les années 1980. Pour être certain d’inverser cette tendance, il faut être en mesure de chiffrer les résultats de la mise en œuvre des dispositions du Grenelle de l’environnement. Sans diagnostic ferme de la situation de départ et sans évaluation a posteriori répondant aux mêmes critères, il sera impossible de mesurer l’efficacité du Grenelle.

Celle-ci offrira à celui-là un vecteur de communication lisible sur ses actions. En effet, l’empreinte écologique relève de l’ordre du mesurable, du quantifiable et du comparable. Elle est préférable au bilan carbone, qui ne représente qu’une part de l’empreinte (ne prenant pas en compte l’utilisation des sols et l’érosion de la biodiversité notamment). À cet égard, au cours des débats, le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, lui-même a considéré que « la notion de bilan carbone n’est pas extrêmement précisée ». De son côté, la secrétaire d’État chargée de l’écologie a reconnu avoir lancé, au ministère, un travail au sujet de l’adoption de l’outil « empreinte écologique » et exprimé l’intérêt qu’elle porte à cet indicateur.

Par ailleurs, l’empreinte écologique constitue un outil de citoyenneté. Elle offre de façon transparente une base de données consultable par tous, traduit en graphiques les notions d’offres et de demandes en ressources naturelles. Elle permet de façon pédagogique de visualiser les ordres de grandeur, les disparités de nuisance d’une zone du globe à l’autre, d’un secteur à l’autre. Ainsi, un élève pourra, dès le primaire, évaluer lui-même son empreinte écologique, celle de sa famille et, plus tard, de sa ville, ou de son pays et établir des comparaisons. Elle permet aussi d’ouvrir le débat et d’être un support de démocratie participative, notamment à l’échelle locale.

En outre, la dimension internationale de l’utilisation de cet indice ne doit pas être négligée. Fin octobre 2008, un «  Position Paper » du Conseil économique et social européen a paru qui concerne la question des indicateurs susceptibles d’être substitués au PIB. Ce document fait suite à la conférence « Beyond GDP » (au-delà du PIB) qui s’était tenue en novembre 2007, à l’initiative du WWF.
Au cours de cette conférence, le président de la Commission européenne, observait qu’« On ne peut mesurer les défis du futur avec les outils du passé ». Á cette occasion, la Commission s’était engagée à développer un indicateur pour mesurer les progrès environnementaux et améliorer les orientations politiques, indicateur dont une première version devrait être mise en œuvre en 2009. Pour sa part, le Position Paper, premier point d’étape officiel de l’Europe vers le développement de ces indicateurs « au-delà du PIB », prend position en faveur de l’empreinte écologique.

Enfin, et dans le souci de faire montre de volonté d’agir dans le concret, la présente proposition de loi comporte trois mesures : l’article 4 concerne l’enseignement, les articles 5 et 6 impliquent l’État et les collectivités territoriales dans l’action.


- Lire la proposition de loi déposée

Source - http://www.verts41.org/spip.php?article379 - Les Verts 41