Source - http://www.verts41.org/spip.php?article392 -
Mise en ligne : 23 mars 2009

Point de vue des Verts
Etat de crises
Adopté lors du Conseil National Interrégional des Verts - Mars 2009

Ce document synthétise le point de vue des Verts comme réponse à court terme face à la situation de crise de ce premier semestre de 2009. Il sera bien entendu approfondi, actualisé en fonction des situations en liaison avec l’ensemble des partenaires souhaitant progresser vers une véritable réforme écologiste ; un groupe de travail précisant nos orientations dans les différents secteurs financiers, économiques et sociaux pour les mettre en débat avec les organisations de salariés, présentera des premières propositions au Conseil politique d’avril. Conscients de l’ampleur et de la brutalité du choc subi par les salariés, les Verts prendront l’initiative dans les prochaines semaines de rencontres de travail avec les syndicats, visant à préciser nos propositions de conversion écologique des activités (transferts de compétence, formation professionnelle, reconversion industrielle, etc.).

Les deux dernières journées d’action ont montré une mobilisation sociale inégalée depuis des décennies. Et ce n’est pas seulement contre les "crises" que se révoltent des pans entiers de la population. Celles ci fonctionnent comme un révélateur des politiques antisociales suivies depuis des années par les droites du monde entier. Et particulièrement en France, où la politique gouvernementale apparaît enfin pour ce qu’elle est : une volonté de détruire tout un système social pour le profit de quelques uns. Précarité, flexibilité, chômage deviennent une norme, les "travailleurs pauvres" ne sont plus des exceptions. Combien de salariés, de retraités ne peuvent plus vivre décemment ? Les gains de productivité dopent les dividendes des actionnaires mais dégradent continûment les conditions de travail de tous.
C’est à cette faillite sociale qu’a mené l’idéologie du tout marché et de l’économisme contre les valeurs de justice, d’égalité, indispensable à toute vie en société.

Selon la lecture dominante de la crise, la récession dans laquelle nous sommes entrés est la conséquence de la crise financière qui a commencé à l’été 2007 avec les premiers soubresauts liés aux subprimes et a dégénéré en crise systémique à partir de l’été 2008.
Ce n’est pas notre lecture. Pour nous, la crise financière est le résultat de deux phénomènes qui trouvent leur origine dans l’économie réelle.

- Le premier phénomène est le recours massif à l’endettement par les ménages pour financer l’acquisition de leur logement, et même leur consommation quotidienne, en raison de la stagnation de leurs revenus. Ce surendettement est la conséquence de la montée des inégalités, de la précarisation du salariat et de l’accaparement de plus en plus grand de la valeur ajoutée par les détenteurs de capitaux. C’est aux Etats Unis que cette dynamique a été la plus forte mais elle est aussi présente en Europe, et notamment en Espagne, au Royaume Uni, en Islande… les pays qui souffrent le plus de la crise aujourd’hui et dont la faillite est une perspective que l’on ne peut pas écarter ce qui aurait des conséquences explosives sur l’Union européenne et sur l’euro.

- Le deuxième phénomène est la montée des prix de l’énergie et notamment du pétrole, qui va atteindre à partir de 2007 des niveaux insoutenables pour les ménages dépendants de leur voiture. Comme leur revenu stagne et que leurs dépenses contraintes augmentent, ces ménages ne peuvent plus rembourser leurs prêts. La crise des subprimes commence et déploie ses effets en chaîne sur l’ensemble des banques mondiales en raison des politiques de dérégulation financière que la gauche, comme la droite, a mené des 20 dernières années.

- A ces deux phénomènes s’ajoute la spéculation tant dans le secteur financier que sur les marchés de matières premières. La dérégulation et la déconnexion de ces marchés avec l’économie réelle engendrent des effets de levier qui accentuent considérablement les cours notamment en période de crise.

La crise actuelle est donc le résultat du triptyque, montée des inégalités+pression sur les ressources naturelles+dérégulation financière.
C’est l’effondrement d’un modèle libéral, productiviste et inégalitaire.
C’est ce modèle qu’il faut changer sous peine d’aller vers d’autres événements encore plus dangereux pour les hommes comme pour la planète.

Mais la politique menée actuellement par Nicolas Sarkozy comme par l’Europe ne prend pas le chemin de la rupture avec ce modèle. En ne voulant pas revenir sur le bouclier fiscal ni sur les exonérations sociales et fiscales sur les heures supplémentaires, le président de la République persévère dans sa logique initiale au moment où il faudrait au contraire en changer.
Les milliards d’euros du plan de relance ne nous permettront pas d’aller vers un modèle moins productiviste.
Ce plan prévoit par exemple 200 millions d’euros pour l’isolation thermique des logements mais 1,5 milliards d’euros pour l’acquisition de nouveaux armements. 100 millions d’euros pour développer l’agriculture biologique, quand les agrocarburants reçoivent 1 milliard d’euros de subvention.

- Les propositions des Verts s’articulent autour de quatre axes.

Partager le temps de travail et les richesses

La montée des inégalités est une des causes de la crise actuelle. Leur réduction est donc une voie de sortie. Lutter contre les inégalités c’est mettre en place un revenu social garanti pour tous à partir de 18 ans au niveau du seuil de pauvreté actuel pour que personne ne vivent en dessous (autour de 850 euros pour une personne seule). C’est revenir sur les baisses successives d’impôts dont ont bénéficié les plus riches depuis l’an 2000 et notamment sur le paquet fiscal de 2007. C’est mettre en place un Revenu Maximum Acceptable, permettant de lutter contre la surconsommation et le fossé qui se creuse avec les plus riches.
Réduire les inégalités c’est aussi partager le travail. Contre la logique sarkozyste du « travailler plus pour gagner plus », il faut réaffirmer le projet écologiste « travailler moins, travailler tous pour vivre mieux ».
La montée rapide du chômage rend nécessaire une remise en avant de la dynamique de réduction du temps de travail sans baisse de salaire jusqu’à au moins deux fois le Smic. Le surcoût sera pris en charge dans les petites entreprises par des fonds publics alimentés par les sources de financement détaillées ci dessous.

La conversion écologique de l’économie

Demain ne sera pas comme avant.
Il ne s’agit donc pas de relancer l’économie en remettant du carburant dans le moteur, mais bien de convertir nos modes de production et de consommation pour les rendre compatibles avec la crise climatique et la fin annoncée du pétrole bon marché. Nier la nécessité de cette transformation c’est aller au devant de crises économiques et sociales bien plus graves encore.

A l’inverse la conversion écologique de l’économie, ce sont des centaines de milliers d’emplois à créer dans les énergies renouvelables (240 000), l’isolation des bâtiments (120 000), les transports en commun (plus de 100 000), l’agriculture biologique (90 000 si on passe en France de 2 % à 9 % de bio), etc.
Un grand plan de conversion écologique de l’économie pourrait créer plus de 500 000 emplois en France et plus de 5 millions en Europe. Le vert est bien une solution pour sortir du rouge. Cette conversion passe par un travail de fond aboutissant à des contrats pour l’ensemble des secteurs, notamment la chimie, le BTP, l’automobile. Ces contrats, qui seront élaborés avec les syndicats, auront trois dimensions : social, technique et de changement de nos modes de vie. Les salariés ne sont pas responsables de ce qui arrive à leur industrie.
Pour autant, maintenir l’emploi coûte que coûte dans certains secteurs comme l’automobile reviendrait à nier la nécessité de changer nos modes de vie.

Nous proposons que pendant toute la phase transitoire de conversion écologique de l’économie les salariés disposent d’une garantie de transition professionnelle leur assurant un revenu identique tant qu’ils n’ont pas retrouvé un emploi, éventuellement dans un autre secteur.
Cette période doit être mise à profit pour qu’ils acquièrent les compléments de formation nécessaires.

Mais l’argent public doit avoir des contreparties immédiates.
Dans l’automobile il s’agit de la baisse immédiate des émissions de gaz à effet de serre, par exemple via le bridage des moteurs.
Enfin, les contrats de conversion devront organiser un changement de nos modes vie pour repenser concrètement les usages des biens produits par les industries concernées.
Le contrat automobile sera un outil pour repenser la mobilité avec comme objectif premier de réduire les besoins de déplacement individuels et les émissions de gaz à effet de serre, le contrat chimie organisera la diminution de notre surconsommation de médicaments, la diminution de l’utilisation des pesticides par l’agriculture, etc…
La transformation de l’activité financière et de ses instruments pour les mettre au service de l’écologie et de la société permettra de financer ces projets.

Redéfinir le périmètre du privé et du public, promouvoir l’emploi par les services publics

L’extension récente du secteur public, après des années de privatisation, doit se faire de façon réfléchie et stratégique pour soutenir la conversion écologique de l’économie.
D’autre part, l’emploi dans les services publics comme l’éducation, la santé, l’accompagnement de la vieillesse ou l’animation sociale doit être soutenu massivement.

La transformation du fonctionnement des entreprises

La crise économique et sociale est amplifiée par les choix stratégiques et organisationnels menés par les entreprises depuis plus de 30 ans : externalisation et sous-traitance, délocalisation de la production, juste à temps, flexibilisation de la main d’œuvre, gouvernance privilégiant l’intérêt des actionnaires, dégradation des conditions de travail…
C’est pourquoi le dépassement de notre modèle de développement passe aussi par la transformation du fonctionnement des entreprises : réinternalisation et relocalisation des activités, réduction du temps de travail et amélioration des conditions de travail, intégration des salariés dans les conseils d’administration afin qu’ils participent à la définition des orientations stratégiques, démocratisation du fonctionnement des entreprises…


Un « Bruxelles de l’emploi »

La conversion écologique de l’économie sera d’autant plus efficace qu’elle se produira au niveau européen.
Pour cela il faut arriver à créer le rapport de forces à ce niveau pour contrer les directives antiécologiques et antisociales. Dès lors que ces conditions seraient réunies, une négociation serait ouverte avec les syndicats, les Etats, la commission, les ONG, les entreprises pour définir un pacte européen pour l’emploi assis quelques grandes priorités : la réalisation des investissements nécessaires à la création de 10 millions d’emplois verts et solidaires en 10 ans, la lutte contre les paradis fiscaux qui permettra de lever des fonds pour financer ces politiques publiques, un moratoire sur la libéralisation des services publics.

Pour financer ces priorités nous proposons de revenir sur le paquet fiscal de 15 milliards d’euros annuels voté en 2007 et sur les baisses des tranches marginales supérieures de l’impôt sur le revenu entamées depuis l’an 2000 (par la gauche), qui ont représenté un manque à gagner d’au moins 20 milliards en 2008.

Des financements sont également nécessaires au niveau européen.
Une directive qui permettrait d’identifier les flux vers et en provenance des paradis fiscaux et de les taxer à la source pourrait rapporter aux Etats plus de 200 milliards d’euros par an, dont environ 30 pour la France. La mise en place d’une taxe sur les transactions financières (de type taxe Tobin) permettrait de lever plusieurs dizaines de milliards d’euros par an.
Un processus d’harmonisation de l’impôt sur les sociétés en Europe mettrait fin à la baisse régulière des impôts payés par les multinationales qui bénéficient de la concurrence fiscale entre nos Etats.
Enfin, un grand emprunt européen de 1000 milliards d’euros complétera le dispositif de financement. La mobilisation des capacités d’emprunt des collectivités territoriales devrait à cet égard être encouragée.

Ces éléments sont inscrits dans le programme d’Europe Ecologie pour les élections européennes.

Au total c’est, pour la France, autour de 100 milliards d’euros qui pourraient financer la conversion écologique et solidaire de notre économie et créer des emplois.
Dans la période actuelle une augmentation des revenus des plus pauvres est indispensable. Elle peut et doit prendre des formes complémentaires mais ne peut faire l’impasse d’une augmentation des minima sociaux et des salaires les plus bas.

La législation doit être modifiée rapidement pour que les entreprises qui font des profits et distribuent des dividendes ne puissent plus licencier car leur seule volonté est d’augmenter encore plus leur rentabilité. Au-delà de ces mesures, nous souhaitons une véritable rupture.
C’est un changement de système de valeurs que nous proposons à la société. Pour aller vers la recherche du mieux et non du toujours plus, de la coopération et non de la compétition, du vivre ensemble et non de l’individualisme exacerbé. Pour passer d’une société libérale et productiviste à une société écologique et solidaire. Pour sortir de la crise et vivre mieux.

Face à cette politique libérale et à l’incapacité des gouvernements européens à répondre à la crise, les mobilisations sociales se multiplient dans l’ensemble des secteurs attaqués par les mesures gouvernementales.

Les Verts appellent à continuer et à amplifier ces mobilisations.
D’ores et déjà, ils appellent à faire du 1er Mai, un temps fort des luttes et de création d’alternatives. A cet égard, le Cnir insiste sur la nécessité de proposer un modèle alternatif à une simple relance du système recolorisée en vert et appelle à un changement complet de société.


- Texte adopté par le CNIR du 21-22 mars 2009, adapté de l’introduction au débat sur la crise pour le conseil politique du 17 mars 2009 présentée par Pascal Canfin

Source - http://www.verts41.org/spip.php?article392 - Les Verts 41